La sphère sans limite…                                                       

 

Dans le cadre de l’étude des solides en troisième secondaire, celle de la sphère en particulier ainsi que de son aire et de son volume se limite bien souvent à ne donner aux élèves que les deux formules pour qu’ils les utilisent et les appliquent dans des problèmes. Nous voulons proposer des approches différentes pour l’enseignement des concepts d’aire et de volume de la sphère. En effet, peut-on trouver des raisonnements et des représentations visuelles qui permettraient de donner un sens à ces formules et montrer une façon de les construire ? La réponse est oui et pour ce faire nous allons utiliser différentes notions et notamment celle du passage à la limite, concept rarement utilisé au secondaire, mais qui peut être introduit informellement par l’entremise de la démarche que nous proposons.

Bonne lecture,


Vincent Scallon, Phong Tran et Smaïl Hami (automne 2006, printemps 2008)

                                                                               

Préambule :


Un des principaux raisonnement que nous allons utiliser fait appel à la notion de limite. Dans un contexte donné, nous allons faire varier un paramètre de façon qu’il tende vers une certaine limite. Par exemple, notre paramètre va prendre des valeurs de plus en plus grandes : il va tendre vers l'infini, ou encore il va prendre des valeurs de plus en plus petites : il va tendre vers zéro.

En premier lieu, pour déterminer l'aire de la sphère connaissant son volume, les deux tendances vont être exploitées. Dans un premier temps, nous allons déterminer vers quoi tend l’aire de deux sphères (et à la limite, d’une sphère) quand on fait tendre la différence de leur rayon vers zéro. Pour ce faire, nous allons utiliser deux sphères concentriques et nous allons réduire la différence entre leur rayon jusqu'à ce qu'elle tende vers zéro.

En deuxième lieu, sachant l’aire d’une sphère, on va déterminer vers quoi tend le volume d’une sphère, constituée de pyramides à base triangulaire, quand le nombre de ces pyramides qui constituent la sphère tend vers l’infini et que la hauteur de ces pyramides tend vers le rayon de la sphère.

                                                                               

1- Volume de la sphère :

1.1- Le Principe de Cavalieri (1598-1647) :

a- Calcul d’aires :

Bonaventura Cavalieri considérait qu’une surface plane est composée de segments parallèles équidistants et indivisibles. Le théorème fondamental de sa «méthode des indivisibles» pour les surfaces est le suivant :  

« Si deux figures planes du même plan (coplanaires) sont comprises entre deux droites parallèles et si toutes les intersections de ces deux figures avec une droite parallèle aux deux premières ont la même longueur, alors les deux figures planes ont la même aire. »

Par exemple, pour montrer qu’un parallélogramme et un rectangle (ayant la même mesure de base et la même hauteur) ont la même aire en utilisant le théorème précédent, nous les plaçons entre deux droites parallèles d1 et d2 comme illustré par la figure ci-dessous, puis nous allons vérifier que pour toute droite d parallèle aux deux premières : 

Cavalieri 2D

Fichier cabri de cette figure

b- Calcul de volumes :

Cavalieri concevait également un solide comme étant constitué de surfaces planes parallèles équidistantes et indivisibles. Son théorème des indivisibles pour les solides s’énonce comme suit : 

« Si deux solides sont compris entre deux plans parallèles, et si toutes les intersections de ses deux solides avec un plan parallèle aux deux premiers ont la même aire alors les deux solides ont le même volume. »

Cavalieri
 

Formulation plus détaillée du principe de Cavalieri

Animation du principe de Cavalieri


1.2- Application du principe de Cavalieri pour trouver la formule du volume de la sphère :

Considérons une demi-sphère de rayon  r reposant sur un plan horizontal P. Sur ce même plan, soit un cylindre de rayon r et de hauteur r à l'intérieur duquel on creuse un cône dont le sommet est situé au centre de la base inférieure du cylindre et dont la base est la base supérieure du cylindre tel qu’indiqué par la figure ci-dessous :

demie sphère et cylindre 1


Comparons le volume de la demi-sphère au volume du cylindre creusé (partie du cylindre qui n’appartient pas au cône) :

1-   Nous pouvons constater que les conditions d’application du principe de Cavalieri sont vérifiées car les deux solides sont compris entre deux plans parallèles puisque le rayon de la demi-sphère est égal à la hauteur du cylindre.

2-      Si on sectionne les deux solides par un plan X horizontal situé à une hauteur h, tel que 0 < h < r, nous allons obtenir dans la demi-sphère un disque et dans le cylindre creusé un anneau comme illustré par la figure ci-dessous.


demie sphère et cylindre 2 

Animation de la figure

 

Calculons l’aire de chacune des deux intersections :

Posons x le rayon du disque qui est l’intersection du plan X et de la demi-sphère. L’aire du disque peut s’exprimer alors comme suit :   

Aire du disque = A1 = π x²

Trouvons la valeur de  :

En effectuant une coupe transversale sur la demi-sphère on obtient le schéma de la figure suivante :

demie sphère

Fichier cabri de cette figure

Le triangle OAB est rectangle en A; le théorème de Pythagore nous permet d'écrire :

x² + h² = r ².

D'où    x ² = r ² - h ². 

Nous pouvons alors exprimer l'aire du disque de la façon suivante : 

   

Passons à l'anneau :

En effectuant une coupe transversale sur le cylindre creusé, nous obtenons le schéma suivant :

cylindre et cône

Fichier cabri de cette figure

Posons y comme étant le rayon du cercle intérieur.

L'aire de l'anneau est la différence entre l'aire du cercle de rayon r (cercle extérieur) et celle du cercle intérieur de rayon y.

Nous pouvons alors exprimer l'aire de l'anneau comme suit :


Cherchons la valeur de y :

Les deux triangles PCD et PEF sont rectangles respectivement en C et E. Ils ont aussi l'angle P en commun.

Par le critère AA nous pouvons dire que les deux triangles sont semblables.

Nous pouvons donc écrire :  

D'où : y = h.

Nous pouvons alors exprimer l'aire de l'anneau comme suit :

       

Nous remarquons que l'aire de l'anneau est égale à celle du disque :

         

Cas où h = 0


Dans ce cas, l'intersection du plan horizontal avec la demi-sphère est un disque de rayon r et d'aire .

L'intersection du même plan horizontal avec le cylindre creusé est la base inférieure du cylindre qui est un disque de rayon r moins le sommet du cône qui est un point. Si nous considérons que l'aire d'un point est nulle, nous pouvons dire que l'aire de cette intersection est celle du disque du rayon r, qui est égale à .

Nous pouvons dire que quand h = 0, les deux intersections ont la même aire. 


Cas où h = r


Quand h = r, le plan X est tangent à la demi sphère, ce qui ramène leur intersection à un point (le point de tangence) d'une aire nulle : A1 = 0.

L'intersection du même plan avec le cylindre creusé est un cercle de rayon r. Mais comme nous pouvons considérer que l'aire d'un cercle est nulle, nous pouvons en déduire que l'aire de cette dernière intersection est nulle : A2 = 0.

Dans ce cas aussi, les deux intersections ont la même aire.


Conclusion
 :


Les sections des deux solides par les plans horizontaux ont donc toujours la même aire, et nous en déduisons que les deux solides ont le même volume.

Par conséquent le volume de la demi-sphère équivaut à la différence entre celui du cylindre et celui du cône, c'est-à-dire :

     Volume de la demi-sphère = Volume du cylindre - Volume du cône

      

 Le volume de la sphère de rayon r sera le double du volume de la demi-sphère, soit :

   
                                                                               

2- Aire de la sphère connaissant son volume :

Tout d'abord, considérons deux sphères. Soit S1 de rayon r et S2 de rayon R et de même centre O, tel que R  r . Posons h = R - r (la différence entre les deux rayons). Ici, il faut insister sur le fait que la surface de la sphère est son «enveloppe extérieure» qui est constituée de tous les points de l'espace situés à égale distance du centre O, à ne pas confondre avec l'aire de la sphère qui est la mesure de sa surface.

2 sphères de même centre

Animation

1- Nous avons associé à chaque sphère (objet en trois dimensions) une figure plane ayant la même aire (objet en deux dimensions).

La nature de la figure plane associée à chaque sphère n'a aucune influence sur le raisonnement qui suit, mais pour simplifier les représentations nous avons opté pour le disque sachant que c'est faisable (et que c'est une très bonne idée!).


 image

 image

 

2- Nous allons construire trois nouveaux solides :

    A- Un cylindre droit C1 dont la base a la même aire A1 que la sphère S1 (disque 1) et dont la hauteur est égale à h (la différence entre les rayons des deux sphères : h = R - r).

    

    Soit V1 son volume (il faut noter que le volume de ce cylindre n'est pas le même que celui de la sphère S1).

    Cylindre C1 :                             petit cylindre                     

                                                       

    B- Un cylindre droit C2 dont la base a la même aire A2 que la sphère S2 et dont la hauteur est aussi h.

    

    Soit V2 son volume (il faut aussi noter que le volume de ce cylindre n'est pas le même que celui de la sphère S2).

    Cylindre C2 :                             grand cylindre
 

 

     C- Un tronc de cône T1 dont :

                                                    - la petite base a une aire de A1 (la même aire que la sphère S1)

                                                    - la grande base a une aire de A2 (la même aire que la sphère S2)

                                                    - la hauteur est égale à h

    Soit V3 son volume.

    Tronc de cône T1 :                         tronc de cône


3- Maintenant que nous avons construit ces trois solides, on va mettre leurs volumes en relation.

Nous savons que :

            - le volume d'un cylindre dépend de la hauteur et de l'aire de la base.

            - le volume d'un tronc de cône dépend de la hauteur et de l'aire de ses deux bases.

Mais comme les trois solides ont la même hauteur, leurs volumes dépendent uniquement des aires de leurs bases.

Nous pouvons admettre que l'aire de S1 est toujours inférieure ou égale à l'aire de  S2, puisque nous avons posé

(la sphère S1 est soit à l'intérieur de la sphère S2 quand r < R,  soit confondue avec cette dernière lorsque r = R).

Nous pouvons établir les inégalités suivantes entre les trois volumes en question :


                Comparaisons des 3 volumes

Autre représentation des solides imbriqués les uns dans les autres


Un raisonnement semblable nous permet d'établir les inégalités suivantes, entre les volumes des deux cylindres et celui du solide ayant pour parois les sphères 
S1 et S2, soit V4 ce volume.

            comparaison des 3 volumes             

Il faut noter qu'en réalité, le volume du tronc de cône est égal au volume du solide ayant pour parois les deux sphères S1 et S2, même si ce n'est pas indispensable pour notre démarche. 

Volume de T = V3 = V4= Volume de S2 - Volume de S1  (voir annexe)

 

Calculons maintenant les volumes V1, V2 et V4, sachant que R = r + h :

En remplaçant chacun des volumes par son expression dans la double inégalité précédente nous allons obtenir :

En divisant chacun des termes par h, nous allons obtenir  

Maintenant, observons qu'est-ce qui va arriver si la valeur de h diminue, autrement dit si la distance entre les deux sphères diminue ?   

          petite sphère qui grandit

Animation (de face)

Animation alternative (de côté et du dessus)

Le volume de la sphère S1, de même que son aire, vont se rapprocher de ceux de la sphère S2.


Et que va-t-il arriver, à la limite? Quand h va devenir très petit (qu'il va tendre vers zéro)?

Les termes r h et vont devenir aussi très petit (ils vont tendre vers zéro) et à la limite, vont être égal à zéro quand h va égaler zéro.

Ainsi,  notre double inéquation deviendra :

C'est-à-dire que quand h tend vers zéro, les deux sphères se confondent et l'aire de la sphère S1 égale l'aire de la sphère S2 qui égale , ce qui est bien l'aire d'une sphère de rayon r.

Donc,.

                                                                               

3- Volume de la sphère (à partir de son aire) :

 

Supposons maintenant que nous connaissons la formule pour exprimer l'aire d'une sphère, soit : . Pouvons-nous trouver l'expression de son volume?

Commençons par une approximation de la sphère et construisons un solide constitué de n pyramides à bases triangulaires.

pyramides

Le volume du solide obtenu est égal à la somme des volumes des n pyramides à bases triangulaires qui le composent.

Le volume d'une pyramide dépend de l'aire de sa base et de sa hauteur :  

Volume d'une pyramide =   

Soit a1, a2, a3, ... , an : les aires des bases triangulaires des différentes pyramides qui constituent le solide. Et soit h leur hauteur.

Nous remarquons que plus le nombre de pyramides augmente, plus notre solide se rapproche de la sphère. En fait, lorsque leur nombre tend vers l'infini, la somme des aires des bases des pyramides tend vers l'aire de la sphère et la hauteur des pyramides tend vers le rayon de la sphère. À la limite, quand il va y avoir une infinité de pyramides, la hauteur des pyramides va être égale au rayon.

Triangulation de la sphère

Image de la grande sphère triangulée

Ainsi, pour un solide constitué d'un très grand nombre de pyramides, nous pouvons considérer que :

D'où le volume de la sphère :

Et à la limite quand h = r :

À partir de la formule de l'aire de la sphère, nous avons retrouvé par approximation la formule de son volume.

                                                                               

Annexe - Volume du tronc de cône versus différence de volumes de deux sphères concentriques :

Nous savons que le volume d'une sphère est donné par :

Et celui d'un cône par :

Pour un cône ayant une hauteur égale au rayon de la sphère ainsi que le même volume que celle-ci,

i.e. et  :

 :  Le rayon de la base du cône est deux fois plus grand que celui de la sphère.

 En remplaçant chacune des deux sphères concentriques par un tel cône :

Cône et sphère

nous arrivons aisément à la conclusion que le solide ayant les deux sphères comme parois et le tronc de cône T ont le même volume.

                                                                              

Bibliographie

                                                                               

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